M. Lansana Gagny Sakho, Directeur Général de l'Office National de l'Assainissement du Sénégal et Vice-Président de l'Association Africaine de l'Eau - Le lundi 02 Mars 2020 a marqué le Sénégal par l'annonce du premier cas positif de la COVID-19. L'épidémie qui n'était jusqu'alors qu'une lointaine curiosité devint, pour nous, une réalité. Dès l'annonce de ce premier cas, l'État du Sénégal a mis en place un plan de riposte contre la COVID-19 visant à renforcer le système de santé et soutenir l'économie nationale.
Aucun secteur d'activité n'a été épargné y compris le secteur de l'assainissement.
Le lundi 02 Mars 2020 a marqué le Sénégal par l'annonce du premier cas positif de la COVID-19. L'épidémie qui n'était jusqu'alors qu'une lointaine curiosité devint, pour nous, une réalité. Dès l'annonce de ce premier cas, l'État du Sénégal a mis en place un plan de riposte contre la COVID-19 visant à renforcer le système de santé et soutenir l'économie nationale.
Aucun secteur d'activité n'a été épargné y compris le secteur de l'assainissement. Pour faire face à cette situation, l'Office National de l'Assainissement du Sénégal (ONAS) a dès le début mis en place des mesures de contingence visant à la protection des prestataires de services d'assainissement, de son personnel et de tous les usagers du service public conformément aux recommandations de l'État.
L'ONAS, a pris une série de dispositions pour contrer la propagation du Coronavirus :
- Fermeture du restaurant d'entreprise afin de respecter la distanciation sociale ;
- Organisation des réunions de travail par visioconférence ;
- Suspension des missions à l'international ;
- Interdiction d'accès du siège et les autres sites de l'ONAS au public ;
- Confinement et instauration du télétravail pour le personnel ; seuls les agents pouvant assurer le service minimum sont autorisés à se rendre au bureau pour travailler ;
- Anticipation des congés payés sur le trimestre à tous ceux pour qui ce droit est échu ;
- Alternance d'une semaine à l'autre des équipes afin de limiter leur exposition ;
- Demande d'autorisation de circuler pour le personnel d'exploitation devant intervenir la nuit.
- Fourniture de matériels de sécurité (dispositifs de lavage de main, masques et gels hydro-alcooliques) aux prestataires de services d'assainissement.
Aussi, pour assurer la gestion technique des ouvrages et notamment des stations de boues de vidange, un personnel minimum est présent sur site et aucun impact significatif n'est actuellement noté sur le fonctionnement des ouvrages.
Des séances de sensibilisation ont été menées pour assister le personnel et toutes les parties prenantes, et du matériel de lutte contre la maladie mis à disposition. Il s'agit de dispositifs de lavage de main (robinet à pédale), savon liquide, gels antiseptiques, eau de javel, mouchoirs, masques respiratoires. L'une des mesures principales prises a été l'obligation du port de masque.
Cette crise a fait ressortir l'importance d'adopter une approche holistique dans la gestion des problématiques de santé publique intégrant le secteur de l'assainissement. À l'heure où les pays africains font face à l'épidémie du Coronavirus (COVID-19), il est temps de remettre l'accès à un assainissement de qualité au cœur des priorités. La pandémie a démontré les lacunes de nos systèmes de santé publique, l'Afrique tout comme le monde n'était préparé à une crise d'une telle ampleur.
En Afrique subsaharienne, près de 70 % des populations urbaines, principaux foyers de la COVID-19, ont du mal à accéder à l'eau et aux services d'assainissement de base tels que les toilettes et les dispositifs de lavage des mains. Cette situation contribue à l'accroissement de cas de maladies liées au péril fécal telles que le choléra ou la diarrhée, principales causes de mortalité infantile en Afrique.
La crise sanitaire a eu un impact négatif sur l'économie mondiale, de plus en plus il est important que les pays en développement changent de paradigme et adoptent des mesures résilientes visant non seulement la protection des populations mais aussi la relance économique. Pour ce faire, l'assainissement devra occuper une place centrale dans les plans de relance économique, notamment à travers l'accompagnement du secteur privé afin d'assurer l'accès à tous à des services d'assainissement de qualité.
Pour un assainissement pour tous, 3 pistes de solutions se dégagent :
- Accroître les investissements des secteurs de l'eau et de l'assainissement :
L'Afrique doit investir massivement dans les secteurs de l'eau et de l'assainissement. Il faudrait entre 10 et 15 milliards de dollars d'investissement annuels pour approvisionner toute la population en eau potable et fournir un service d'assainissement de base. Or actuellement, les pays africains ne consacrent pas plus de 0,5 % de leur PIB à ce secteur et n'y investissent qu'une petite partie de l'aide internationale.
- Accompagner les sociétés de traitement des boues de vidange
Plus de la moitié des sociétés d'assainissement ne sont pas performantes. Il faudra donc renforcer les capacités opérationnelles et la résilience des sociétés publiques ou privées, afin qu'elles puissent fournir un service public de bonne qualité à un tarif politiquement et socialement acceptable tout en étant viables financièrement.
L'assainissement automne par la génération automatique de revenus couplée à une forte implication du secteur privé reste la seule alternative. Il faut rapidement engager une " révolution de paradigmes " pour sa généralisation.
- Investir dans la valorisation et la réutilisation des eaux usées :
Dans de nombreux pays, les eaux usées deviennent une autre manière de répondre à la demande en eau, surtout autour des zones urbaines où se développent des périmètres maraîchers indispensables pour nourrir les habitants des villes. En Israël, par exemple, 91 % des eaux usées sont traitées et 71 % servent à l'irrigation des cultures. Ou, dans les pays africains, seuls 10 % des eaux usées sont traitées.
En réutilisant davantage l'eau pour irriguer les terres agricoles, les pays africains pourront assurer la sécurité alimentaire du continent tout en appliquant des approches d'économie circulaire. Les modèles mis en place au Sénégal avec le programme de structuration du marché des boues de vidange restent une alternative crédible pour la réutilisation économique des sous-produits de l'assainissement.
L'Afrique ne peut pas envisager qu'à l'issue de cette crise, tout comme avant. Sinon, nous n'aurions rien appris.
Lansana Gagny SAKHO
Directeur Général de l'Office National de l'Assainissement du Sénégal
Vice-Président Afrique de l'Ouest de l'Association Africaine de l'Eau