La normalisation, un outil clé pour l’assainissement durable en Afrique
La pandémie a accentué de nombreux problèmes déjà critiques. Elle a contribué à mettre en évidence les conditions de vie dans lesquelles des millions de personnes vivent, sans accès à des systèmes adéquats d’assainissement et de gestion des déchets liquides. Ce n’est pourtant pas un défi nouveau qui vient d’apparaître avec la crise COVID-19 ; le manque d’eau, les pratiques d’hygiène inadéquates et l’accès insuffisant à des installations d’assainissement de qualité respectant les normes de sécurité et d’intimité accélèrent la propagation de maladies en Afrique depuis des siècles.
L’assainissement n’est pas seulement une sous-catégorie de la santé publique ; un assainissement géré de manière sûre a le potentiel d’améliorer la santé et la résilience des communautés, et même de sauver des vies. L’accès à des installations sanitaires de base et à une hygiène améliorée peut empêcher la propagation de maladies fécales telles que les maladies tropicales négligées et réduire la gravité de l’impact de conditions telles que la malnutrition et la diarrhée. En somme, un assainissement bien géré est un droit humain fondamental auquel nous devrions tous avoir accès.
Bien que les avantages des systèmes d’assainissement améliorés soient évidents, les mauvaises conditions sanitaires sont encore très répandues : seulement 28 % de la population d’Afrique subsaharienne a accès à des installations sanitaires de base et 32 % pratique encore la défécation à l’air libre. Au Sénégal, la situation est meilleure que dans beaucoup d’autres pays ; l’accès à l’assainissement est une réalité pour 67,4 % de la population urbaine et 42,3 % de la population rurale. Il existe néanmoins une marge de progression considérable, étant donné la grande disparité entre les zones urbaines et rurales. En redoublant nos efforts de développement des normes régionales et nationales et en informant les acteurs clés du secteur de l’assainissement, nous pouvons faire de grands progrès dans l’accès à l’assainissement pour tous les citoyens d’Afrique subsaharienne.
Atteindre un accès généralisé à des installations d’assainissement améliorées est au cœur de la mission de l’Association sénégalaise de normalisation (ASN). En tant qu’organisation, nous disséminons les normes internationales pour garantir la répartition équitable des efforts d’amélioration de la gestion de l’assainissement et de l’accès aux services de base tout au long de la chaîne de valeur. Les normes d’assainissement permettent de s’assurer que les gestionnaires de services d’assainissement aient toutes les compétences et les connaissances techniques nécessaires.
Trois normes d’assainissement ont été adoptées à l’international et au Sénégal : ISO 30500, ISO 24521 et ISO 31800. L’ISO 30500 établit des spécifications pour les nouvelles toilettes domestiques qui traitent les déchets sur place, et ISO 24521 quant à elle propose des recommandations pour améliorer la qualité des services et la gestion en toute sécurité des services d’assainissement. La norme ISO 31800, elle, spécifie les exigences permettant de garantir les performances, la sécurité, l’exploitabilité et la facilité d’entretien des unités de traitement de boues de vidange. Toutes ces normes visent à apporter les exigences nécessaires relatives à la qualité et à la sécurité des infrastructures et des systèmes d’assainissement.
Cela dit, un élément encore plus central de notre mission consiste à sensibiliser le public aux normes d’assainissement, car celles-ci restent encore largement méconnues, même des acteurs clés du secteur de l’assainissement. Nous travaillons auprès des parties prenantes sectorielles, fabricants, prestataires de services et responsables administratifs, en partageant avec eux les normes élaborées au niveau international, et en leur donnant la formation et les connaissances nécessaires pour qu’ils puissent mettre en œuvre ces normes de référence indépendamment.
Pour l'Association sénégalaise des normes, il est également essentiel que le public extérieur à la communauté de l'assainissement, en particulier le grand public, ait une compréhension des normes et de leur valeur ajoutée. C'est pourquoi nous travaillons avec des acteurs tels que les associations de consommateurs pour faire comprendre aux populations que les normes sont un gage de qualité pour les systèmes et les infrastructures d'assainissement, notamment les toilettes.
Les normes jouent un rôle crucial dans l’amélioration de l’accès à un assainissement sûr, et contribuent à une meilleure gestion de la prestation de services et à l’élargissement de l’accès à des systèmes sécurisés et efficaces dans toute l’Afrique. Vous vous demandez peut-être comment ? Les normes approuvées au niveau national soutiennent non seulement les politiques d’assainissement en place, mais aussi l’amélioration de la qualité des services, en garantissant que les systèmes soient gérés équitablement et de manière sûre et durable. L’utilisation de ces normes contribuera à renforcer la durabilité des systèmes d’assainissement autonome et des systèmes de traitement des boues de vidange pour servir les générations à venir.
Grâce à des normes complètes et validées pays par pays, nous avons la possibilité d’améliorer l’assainissement dans toute l’Afrique et de fournir aux principaux acteurs du secteur les informations et la formation nécessaires pour y parvenir. Avec l’essor de COVID-19, la santé publique est plus que jamais sur le devant de la scène cette année. Le prochain Forum Mondial de l’Eau organisé au Sénégal sera l’occasion de souligner la contribution des normes dans la réalisation des Objectifs de Développement durable (ODD) liés à l’accès universel à des infrastructures d’assainissement de qualité. En sensibilisant les principaux acteurs à ces normes et en veillant à ce qu’elles soient durablement mises en pratique, nous pouvons transformer le paysage de la santé publique et améliorer les conditions d’assainissement pour des millions de personnes sur le continent, et pour les générations futures.
Par El Hadji Abdourahmane Ndione,
Directeur général de l’Association Sénégalaise de Normalisation (ASN)